Le poil de la bête

"Silence. La nuit est là comme cent millions de chats noirs. Silence. Gavés de café, les astronomes regardent le bétail céleste au ciel sombre. Le sang repose. La fièvre phallique repose. Ayant trié les vivants et les morts de la journée, le correcteur du journal regagne son domicile et s’interroge pour savoir si terrasse s’écrit avec deux r… C’est la nuit. Dieu lui-même ne peut en venir à bout.”

En 1938 et jusqu’après-guerre, la librairie "Aux Armes de France" d’Alger est le lieu d’élection d’un huis clos tragi-comique. Le narrateur, un peintre fasciné par la laideur des sentiments et l’extravagante noirceur de personnages qu’il croque avec délectation, fait à tout propos preuve d’une ironie sagace.

Le Poil de la bête est un roman truculent fait de portraits singuliers, de la femme aigrie, puissante et autoritaire à l’employé humilié et convoité qui va devenir un héros et un tueur pendant la campagne de Tunisie, en passant par le fils épris de poésie surréaliste ou la comptable revêche qui le guigne avec appétit, donnant lieu à des scènes tantôt émouvantes, furieusement comiques ou carrément tragiques. Finalement, le roman touche à l’histoire, en auscultant les retournements de veste de la guerre finissante. 

Peintre et écrivain, René-Jean Clot (1913-1997) s'est démarqué par son talent d'observateur des sentiments, qu'il détaille avec un humour ravageur et une justesse peu commune. Il est l'auteur d'environ 25 ouvrages à succès, romans, recueils de poèmes, nouvelles, essais et pièces de théâtre. Outre le Prix des Deux Magots, reçu en 1952 pour Le Poil de la bête, il obtint également le Prix Renaudot et celui de la Société des gens de lettres.